Interview : James Lowe (Electric Prunes)

Comme la plupart des gens qui n’ont pas connu les sixties, j’ai découvert les Electric Prunes par la célèbre compilation « Nuggets » (« Original Artyfacts From The First Psychedelic Era 1965-1968 ») initialement sortie en 1972 par le guitariste du Patti Smith Group, Lenny Kaye. Elle contenait leur hit de 67 « I had too much to dream (last night) ». En 1998, Rhino Records eut la riche idée de la rééditer en version box set avec quatre disques avec de nouveaux groupes garage américains 1965-1968 méconnus, agrémentée alors d’un titre supplémentaire des Prunes « Get Me to the World on Time ». Cette compilation « Nuggets » est une référence dans laquelle apparait pour la première fois le mot « Punk rock » et la plupart des combos dits « garage » y voient une forte source d’inspiration. Je notais que certains garage bands 60’s sortaient du lot comme les Seeds, les «Thirteenth Floor Elevators» de Roky Erickson, les Standells, les Shadows of night, les Count Five. Un ami me fit découvrir un jour le premier album des Electric Prunes « I had too much to dream (Last night) » ainsi que le « Live Stockholm ’67 » et je réalisais alors comme ce groupe était précieux. Précurseurs du genre garage psychédelique au même titre que les « 13th Floor », ils avaient même réussi à figurer sur la BO du road movie de Dennis Hopper : « Easy rider ». J’ai eu la chance d’interviewer (merci internet) James Lowe, chanteur et membre fondateur du groupe, et ce fut l’occasion de parler de sa longue carrière.

Thee Savage Beat : Bonjour James! Que faisais-tu avant d’intégrer le groupe Electric Prunes?

James Lowe : Je suis originaire de Los Angeles et après mes études je suis parti vadrouiller à Hawaï, j’ai travaillé sur un voilier, j’ai fait du surf, et je me demandais quelle serait la suite…

Comment en es-tu venu à chanter ?

Je jouais de la guitare dans des petits bars avec un ami qui avait un banjo. Ça m’a donné le goût de la scène. On n’était pas très bons, mais on était sans doute les seuls gars à jouer du bluegrass à Hawaï. Je ne me souviens pas bien quand je me suis mis au chant. C’est venu un peu comme ça.

Comment s’est déroulé ta rencontre avec les autres musiciens (Mark Tulin, Ken Williams, Mike Weakley et Dick Hargraves) ?

Je suis retourné sur le continent et j’ai commencé à chercher des gars avec qui monter un groupe… La première formation c’était Mark, Ken et moi. Ils étaient à la fac, donc ça se passait après les cours. Mike Weakley était le petit ami de la sœur de ma femme, il était un bon batteur, donc il nous a rejoints. On s’appelait les Sanctions, et on était quatre. On voulait enregistrer un disque, répéter et on n’a pas fait de concert. Après ça, on s’est rebaptisés Jim and the Lords, je me souviens plus très bien pourquoi. Un jour, on répétait dans le garage quand une fille est arrivée et a dit qu’elle connaissait quelqu’un qui enregistrait les Rolling Stones, et qui cherchait un groupe à produire. Tout était vrai et c’est comme ça qu’on a été présentés à Dave Hassinger.

Quel était l’atmosphère de l’époque? Tu as vécu le psychédélisme de l’intérieur. Avais-tu conscience de marquer l’histoire ? Quelles ont été les rencontres qui ont permis de participer à la compilation Nuggets ?

Il y avait plein de groupes garage qui éclosaient partout après le carton des Beatles aux USA (phénomène du « British invasion »). On ne pouvait pas échapper à l’humeur ou à l’excitation que la musique produisait, et les problématiques sociales jouaient un rôle important dans les paroles et la musique. Je savais que ça allait changer la société parce que c’était tellement puissant où que nous allions. On voulait produire de la musique qui utilisait les innovations de l’électronique qu’on retrouvait dans les processus enregistrement. Une voix « électrique », c’est ça qu’on cherchait. On n’a jamais su qu’on était sur Nuggets avant les années 90. J’ai quitté le groupe avec l’idée qu’on ne peut pas vivre de la musique et je n’ai jamais reconsidéré la chose avant 1999. Quand mon fils m’a dit qu’on était sur ce disque, je n’y croyais pas.

Qui composait dans le groupe ? Annette Tucker et Nancie Mantz ont composé I had to much to dream last night, qui composait le reste des morceaux?

Notre producteur, Dave Hassinger, détestait notre écriture à Mark et moi, donc on a dû lui dire que d’autres personnes avaient écrit les paroles. Annette était une de nos amies et elle écrivait des paroles que Dave aimait. On voulait jouer nos propres compositions, c’était le seul moyen pour un groupe de s’exprimer. A part ça, on ne faisait pas de reprises, donc on a écrit ce qui pouvait être accepté, et Annette Tucker, Jill Jones et Nancy Mantz ont écrit le reste.

Quelles anecdotes amusantes peux-tu nous conter sur cette époque?

Il y a plein de choses dont je ne peux pas parler… on a saccagé pas mal de chambre d’hôtel, mais ce n’était pas si terrible que ça. Je ne pense pas qu’on ait brisé grand-chose sauf peut-être quelques cœurs. Pour moi ce n’était pas une période très amusante.

Quelle rencontre t’a le plus marqué ?

Je me souviens être allé chez Jimi Hendrix en Angleterre, me disant à quel point c’était cool de traîner avec lui, de regarder des films amateurs, et de fumer des splifs. Souvent ça a été comme un rêve de rencontrer des gens que vous admirez, et qui étaient exactement comme vous les imaginiez. Quelques-uns nous ont déçus, mais la plupart étaient contents d’être dans le tourbillon des sixties. Il y en avait beaucoup qui gravitaient autour. Tout le monde semblait être sur la même longueur d’onde. Aujourd’hui tout semble éparpillé, il y a de la division et pas mal de colère. Moi je me souviens avoir fumé, un peu et rit beaucoup.

Tu as vécu une époque libérée, quelle est la chose la plus folle que tu aies faite ?

On avait l’habitude parfois de voyager dans un break aux USA. Pour faire des économies on chargeait la voiture avec nos amplis Super Beatle et on tractait une remorque avec d’autres équipements dedans. Un hiver il neigeait, et la remorque, le break et nous avec, avons glissé, on est sorti de l’autoroute, et on s’est retrouvés dans un ravin. Au moment où on est arrivés au concert à Cleveland la rumeur s’était répandue qu’on était morts dans un accident de voiture, et c’était amusant d’arriver là-bas comme des fantômes… personne n’a été blessé.

A propos de vos expériences de concert, comment était l’ambiance?

A l’époque il n’y avait pas encore le phénomène de concerts conçus pour les stades. Les groupes utilisaient leurs propres amplis et leur propre matériel pour jouer, et le son était souvent épouvantable et on ne savait jamais ce que ça allait donner. La plupart du temps, c’était très fort et déformé, pas de retours, pas d’ingénieur du son… juste la grande loterie. Le public était super, on se déplaçait en break, avion, limousine pour aller aux concerts. On ne s’attendait pas à devoir promouvoir un disque par des concerts donc c’était totalement nouveau pour nous. Jusque-là, on avait juste joué dans un garage. Cette tournée était très dure et éreintante. Je pense que ça a conduit à la fin du groupe. On a joué avec les Doors, Cream, The Who, The Move, Soft Machine, The Beach boys, Question Mark, Left Bank, The Seeds, Paul Revere and the Raiders, The Turtles, etc….

Comment s’est passé le deal avec votre maison de disque Reprise ? Percevez-vous toujours des droits aujourd’hui sur les enregistrements ?

On a signé avec Dave Hassinger’s Production et pas directement avec Reprise. Je pense que ça a été une erreur, vu que la maison de disque préférerait plutôt promouvoir ses propres artistes et pas ceux du label de Dave. On a percé dans les charts, et Reprise a été très gentil avec nous après ça, mais on a eu très peu de promotion. Vu qu’on était auteurs-compositeurs, on touche encore des royalties, et ça doit être une leçon pour tous les groupes débutants… Écrivez votre propre musique, ça ils ne pourront pas vous l’enlever ! Les chansons, c’est tout ce qu’on possède, une fois que vous avez signé.

Quelles étaient tes drogues favorites, et penses-tu que à cause d’elles cela a été un frein créatif ou au contraire ça t’a permis de découvrir de nouvelles dimensions?

Mon grand-père me disait de tout essayer, mais de ne jamais devenir dépendant de quoi que ce soit, et ça a toujours été mon mantra. Si tu n’es pas bien sans la drogue, il y a peu de chance que tu le sois avec. Je pense que ça stimule les idées et les pensées, mais la plupart du temps on ne jouait pas défoncés. Ceci dit, je préfère fumer plutôt que prendre des pilules, ou quoi que ce soit que je ne peux pas contrôler ou maîtriser. Être en studio avec des types défoncés, c’est une plaie. Je préfère des gens au meilleur de leur forme dans cette situation. Ce n’est pas une leçon de morale, ça a plutôt à voir avec l’efficacité et le fait de bien jouer.

As-tu entendu des reprises de I had to much to dream last night parmi Todd Tamanend Clark, Wayne County & the Electric Chairs, Stiv Bators, The Damned, The Vibrators, Doro Pesch, Paul Roland?

Oui, on en a entendues quelques-unes depuis notre reformation en 1999. Avant, ça ne nous intéressait pas. J’aime les reprises, et je pense que c’est flatteur d’entendre quelqu’un d’autre jouer votre chanson. Je préfère ceux qui apportent leur touche personnelle, plutôt que ceux qui singent ce que l’on a fait.

Qu’as-tu fait après avoir quitté Electric Prunes ? Peux-tu nous dire où est-ce que tu vis aujourd’hui ? Quels sont tes projets ?

Après avoir quitté le groupe, j’ai produit et enregistré des albums pour Nazz, Todd Rundgren, les Sparks, Ananda Shankar, Ry Cooder, Foghat… ensuite, j’ai travaillé à la télévision, j’ai produit et réalisé des émissions et des pubs. La musique était loin derrière moi jusqu’à ce que David Katznelson de Warner Bros nous encouragea à réaliser une anthologie de nos albums des années 60 intitulé « Lost Dreams ». On a eu quelques invitations à jouer en live, et c’était reparti. On a reformé le groupe en 1999 avec les membres d’origine, et on a enregistré ARTIFACT en guise d’album de la reformation. Certains des gars du groupe vivotaient et étaient un peu fauchés. Mark Tulin et moi avons enregistrés d’autres albums dans mon home studio “Hole in the Sky” à Santa Barbara. On a donné des concerts au Royaume-Uni, en Grèce, à Amsterdam, en Espagne, en Suède, en Allemagne, en Italie, à Tokyo, à San Francisco. Beaucoup de gens ne nous connaissent pas, ni nos disques, mais on a fait ces enregistrements pour nous-mêmes, pas pour un producteur ni pour qui se soit. Artifact, California, FEEDBACK, Return to Stockholm (live), WaS!* On continue à jouer quand on est invités et que ça a du sens, et je vis ma vie sous les tropiques le reste du temps. Je pense qu’on doit faire de la place pour les jeunes, et voir de quoi ils sont capables. Nous on a donné notre contribution … Et c’est très bien comme ça !

Interview : Frédéric Quennec / Traduction : Nicolas Quennec

Interview initialement publiée dans le fanzine Dig It ! (#74).

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Official website:

http://www.electricprunes.com/

http://www.electricprunes67.com/

Publié par theesavagebeat

Ce blog propose des articles, principalement des interviews, sur des artistes ou groupes rock, punk rock et rock garage. Il est basé à Nantes (France). Le nom Thee Savage Beat est un hommage au groupe nantais Thee Death Troy ainsi qu’au titre des Dictators « The Savage Beat ». Ce blog est tenu par Frédéric Quennec et Nicolas Quennec.

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