Interview: Chris Masuak (Radio Birdman / New Christs / Hitmen)

English version available. Click here.

A l’âge de 17 ans, il vit un choc culturel en débarquant en Australie en provenance d’une contrée sauvage du Canada. A l’époque, Chris Masuak avait déjà connu pas mal de tensions familiales. Il allait retrouver une nouvelle famille avec Radio Birdman, qu’il compare plutôt à un gang dans l’interview. « Quand je me suis installé pour de bon en Australie, c’était une nouvelle terre étrange avec des gens incompréhensibles », évoque-il dans le passionnant documentaire « Descent into the Maelstrom » qui est consacré au groupe Radio Birdman. Il se retrouva à voir le groupe tous les week-ends, jouer de la guitare avec eux, écouter leurs collections de disques. Ses anciens compagnons disent de lui : « il pouvait jouer n’importe quoi. Ça pouvait être du Johnny Winter ou du Mick Taylor… Il prenait la guitare et était capable de rejouer note pour note après un concert ce que Deniz avait joué, et c’est naturellement qu’il intégra le groupe ». Warwick Gilgert (second bassiste) ne tarit pas d’éloge à son sujet : « C’est devenu vraiment quelque chose, c’était une vraie merveille. Tu savais qu’il n’y avait pas meilleur groupe ». Le groupe n’a pas survécu à une tournée en Angleterre où des tensions on commencé à émerger. Pour Chris Masuak c’était un engagement musical et familial, il y avait de l’honneur et de la loyauté et beaucoup de fierté dans leur musique. Les Radio Birdman avec les Saints ont révolutionné la musique rock underground australienne. Chris allait marquer encore l’histoire avec The New Christs et The Hitmen. Il vit désormais sa vie de rockeur en Espagne. Chris Masuak a eu la gentillesse de revenir sur son passé et de répondre à quelques questions avant une tournée en France avec son nouveau groupe The Outside en Février 2020.

Thee Savage Beat : Comment t’es venue cette passion pour la musique ? comment en es-tu venu à jouer de la guitare ?

Chris Masuak : Quand j’étais gamin on vivait à la frontière de l’Alberta du Nord (Canada). Là-bas il n’y avait pas la télévision, seulement la radio, et encore, quand les conditions météo étaient clémentes. Donc, on se divertissait en lisant et en écoutant de la musique. J’ai commencé à suivre des leçons de piano vers l’âge de cinq ans. La musique faisait partie de notre vie.

Vers l’âge de douze-treize ans, mon père m’a offert une vieille guitare faite maison qui traînait dans la cave de sa sœur. Sur la tête, il y avait écrit le nom “Kay”, et c’est comme ça que je l’appelais. Plus tard, des soi-disant “experts” prétendirent en se trompant que c’était une véritable guitare Kay, une guitare qu’on achetait sur un catalogue de vente par correspondance. Quelle bande d’abrutis.

Enfin, ce qui est sûr, c’est que tout le reste fait partie de l’Histoire !

Quels furent tes premiers groupes, tes premiers concerts auquel tu as participé, as-tu des anecdotes ?

Mon premier groupe s’appelait Manta. On habitait sur le “Grand Coude” de la rivière Columbia en Colombie Britannique. J’étais le plus jeune, j’avais treize ans. A cause de ça, on devait avoir des permissions pour jouer dans des bars ou dans des soirées dansantes.

On répétait dans la cave et je mettais tous les amplis à fond pour que ma guitare ait un son d’enfer. Mes parents étaient très tolérants.

Ta rencontre avec Deniz Tek (Radio Birdman) a-t-elle été déterminante dans ta carrière ?

Je le pense. Je me suis retrouvé par inadvertance dans le groupe le plus cool du pays, et je ne l’ai pour ainsi dire jamais quitté.

Que représentent pour toi les groupes Radio Birdman, New Christs, The Hitmen avec du recul ?

Dans les premières années Radio Birdman était une famille ou, à tout le moins, un gang. On était viscéralement dévoués à notre musique, mais pour avoir l’opportunité de jouer, c’était toute une comédie. Mais en fin de compte, il n’y a rien d’amusant dans Radio Birdman. Dans ce milieu tu es soit un tyran soit un lèche-bottes, et ça je ne l’oublie pas.

Les Hitmen ont essayé de s’affranchir du modèle de Birdman et de projeter cet héritage en dehors de la scène underground de Sydney, dans la culture mainstream. On a travaillé dur pour abattre ces barrières bien réelles, et on s’est bien amusé pendant tout ce temps. On a jamais connu un grand succès car on tenait à être à l’avant-garde, et les maisons de disque ne savaient pas quoi faire de nous.

C’est triste, mais cet héritage a disparu avec sa propre suffisance.

The New Christs c’était en gros les Hitmen qui accompagnaient Younger. Cette formation a enregistré les chansons les plus solides et les plus cotées. C’est sans doute le meilleur groupe dont j’ai été membre, surtout avec Richard Jakimiszyn à la seconde guitare. Comme toutes les formations des 30 années suivantes, c’était voué à l’échec.

Le travail pour remixer « Radio Appears » et « Living eyes » a-t-il été l’occasion de remettre le groupe Radio Birdman en selle en 1994 ?

On a essayé de sauver Living Eyes mais l’enregistrement original n’était pas terrible. Le remix n’a pas arrangé les choses. Je pensais qu’il y avait l’espoir d’une réconciliation qui aurait abouti à une reformation. Je ne m’étais pas douté que la réconciliation n’était pas la motivation.

En 1984 avec les New Christs tu fais la première partie d’Iggy pop..

Comme je l’ai dit, The New Christs était un super groupe à l’époque. Iggy avait une formation médiocre lors de sa première tournée en Australie et il était horrifié que The New Christs surclassait facilement son groupe de paranoïaques new yorkais. Malgré tout, Iggy nous adorait ! Lors d’un concert, il était monté sur scène avec nous et on lui avait envoyé une rafale de chansons, jusqu’à ce que son groupe nous débranche littéralement. Je me demande s’il s’en souvient.

Vous entrez avec Radio Birdman au Aria hall of Fame en 2007, C’était une consécration ? Quels groupes devraient également y figurer d’après toi ?

C’était ironique que “l’industrie” qui avait tant dénigré le groupe dans le passé finisse par reconnaitre notre contribution. Certains membres du groupes étaient réticents, mais je pense que la reconnaissance avait été gagnée de haute lutte, et qu’on devait l’accepter de bon cœur. Quant aux groupes qui devraient figurer dans le Hall of Fame, je dirais pour l’Australie, sans nul doute, The Loved Ones, The Black Diamonds, The Missing Links, The Purple Hearts. Il y en a trop qui ne seront jamais pris en compte.

Vous vous séparez en 2010. Quatre ans après, le groupe se reforme sans toi. Quel est ton sentiment là-dessus ?

Les problèmes dans ce groupe sont plus profonds et plus compliqués que dans la plupart des autres groupes. Quand il était devenu évident que je ne tolérerais plus le comportement lamentable de certains membres du groupe, j’ai été viré. Il n’y avait pas de motif professionnel ou musical. C’était une tentative punitive et délibérée de me faire du mal. En fait, en me virant, les membres du groupe a perdu le ciment qui leur permettait de faire fi de leurs divers désaccords et de rester cohérents sur un plan musical. Je ne les vois même plus comme ce groupe-là. Des fois je me demande pourquoi ils ne jettent pas l’éponge. C’est triste et gênant.

Quelle a été l’évolution de ta carrière ces dernières années ?

Au début, ma carrière était la conséquence d’une certaine lassitude : Je n’avais rien à faire de mieux de mon temps et de mon énergie. Je me suis débrouillé pour atterrir dans des projets qui s’avérèrent révolutionnaires dans une certaine mesure. Tous mes groupes ont été à l’avant-garde, bousculant les barrières culturelles et musicales de l’époque, ouvrant la voie pour les successeurs. Sans la célébrité ni le succès commercial, bien entendu !

Avec le temps, j’ai découvert que j’aimais écrire et enregistrer. Des groupes comme The New Christs et Radio Birdman m’ont procuré très peu de satisfaction dans ces domaines, alors je suis parti ou bien on m’a mis à la porte. Même les Hitmen, que j’avais conçu comme un vecteur pour mes textes, avait ses limites.

A un moment j’en ai eu marre du caractère superficiel des musiciens, et j’ai suivi des études qui m’ont mené à exercer la profession de naturopathe pendant pas mal d’années. Mais je n’ai jamais rangé la guitare.

Les choses se sont vraiment mises à changer quand j’ai commencé à former des trios avec moi au chant. Des groupes comme The Juke Savages and Klondike’s North 40 étaient des nouveaux défis intéressants avec de talentueux musiciens. Je voulais pas gâcher tout ça en y ajoutant un lead singer à deux balles avec toutes les conneries qui vont avec. Et donc, je me suis forcé à chanter. Si on y ajoute mes chansons, c’est entêtant, ça prend aux tripes et puis ça te fait taper dans les mains. Ensuite, je me suis rendu compte que tout ce que j’écrivais n’étais pas dans ma tessiture. Alors il a fallu que j’apprenne, et vite ! De plus, la liberté d’expression pour les petits groupes, ça voulait dire que je pouvais pousser les limites et aller au-delà des capacités de mes groupes précédents. C’est extrêmement satisfaisant et je me plais à penser que, au-delà de ma production prolifique, mon écriture et mon interprétation s’améliorent. Quoi qu’il en soit, je m’éclate à jouer de la guitare et à faire des tournées avec The Viveiro Wave Riders and The Outside. C’est libératoire d’être enfin associé à des êtres humains formidables.

Une nouvelle tournée passera par la France en février…

J’aime partir en tournée et jouer avec des gens bien et m’amuser. C’est toujours le cas avec The Outside, et surtout encore plus aujourd’hui avec El Kara à la batterie, pour nous donner de solides fondations pour que le groupe soit génial.

Que penses-tu des groupes australiens qui ont réussi comme AC/DC, Nick Cave and the Bad Seeds, ou encore Rose Tattoo ?

J’ai aucune affinité avec ces groupes. J’aime bien AC/DC et Rose Tattoo, mais franchement, ils n’ont aucun swing. Et je déteste Nick Cave au plus haut point. Je le hais profondément, cette merde de junky chic.

Que t’inspire la nouvelle scène australienne, par exemple Tame Impala ou King Gizzard ?

Parmi les groupes qui éclosent aujourd’hui, il y en a qui sont très dynamiques, plein d’énergie, et c’est encourageant !

Il y a cette tragédie, ces incendies géants en ce moment en Australie, quel est ton sentiment par rapport au dérèglement climatique, penses-tu que les politiques en font assez sur cette question ?

Je sais que c’est à la mode de dire que l’art et la politique ne doivent pas se mélanger. Mais je pense que ne pas s’impliquer dans le débat politique c’est renoncer à ses droits et à ses privilèges en tant qu’être humain! Les artistes doivent relayer des messages, doivent dire que nos politiciens ne se préoccupent pas de la sécurité et du bien-être de leurs électeurs.

Tu as vécu dans de nombreux pays dont le Canada, l’Australie, et maintenant l’Espagne depuis 2010. Où te sens-tu le mieux ?

Je suis un éternel étranger. Je suis un étranger partout ! Et putain, je suis super chanceux de pouvoir continuer à voyager et à vivre comme je le fais.

Quels sont tes albums favoris de la décennie ?

Je ne sais pas si je peux choisir des albums favoris. En Australie, j’aime bien ce que fait Mick Medew actuellement. Et puis, Amyl and The Sniffers sont assez fun. En dehors de l’Australie, David Gasten fait un super boulot avec sa musique lounge “This Is Vintage Now”. Et ici en Espagne, The Atomic Zeros, Bang 74, et Johnny Casino font de la super musique.

Que peux t-on te souhaiter de meilleur pour 2020 ?

Si nos “leaders” pouvaient ne pas éteindre toute vie sur notre planète cette année, ce serait pas mal ! C’est mal barré ! Mais je vois chez de nombreux jeunes de la force et du leadership, alors peut-être qu’il y a de l’espoir pour le futur.

En ce qui me concerne, j’espère pouvoir juste continuer à être en bonne santé, à être heureux, à écrire et à jouer de la musique. Il me reste encore tellement de choses à faire !

Interview : Frédéric QUENNEC / Traduction : Nicolas QUENNEC

The Outside Feat. Chris MASUAK The Last Time French tour 2020

Chris Klondike Masuak on guitar ! (Radio Birdman / New Christs/ Hitmen / Screaming Tribemen/ Viveiro Wave riders)

Jeu. 13/02 : Paris/Montreuil @ L’Atmony Vend.14/02 : St Brieuc @ Le Piano Bleu Sam. 15/02 : Lorient @ Le Galion Lun. 17/02 : Rennes @ Mondo Bizarro (+ Supersuckers) Mar.18/02 : Nantes @ La Cour 87

Site de Chris Masuak

Page Facebook de Chris Masuak

Descent into the Maelstrom – Radio Birdman Documentary film

Publié par theesavagebeat

Ce blog propose des articles, principalement des interviews, sur des artistes ou groupes rock, punk rock et rock garage. Il est basé à Nantes (France). Le nom Thee Savage Beat est un hommage au groupe nantais Thee Death Troy ainsi qu’au titre des Dictators « The Savage Beat ». Ce blog est tenu par Frédéric Quennec et Nicolas Quennec.

2 commentaires sur « Interview: Chris Masuak (Radio Birdman / New Christs / Hitmen) »

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer