Interview : Reverend Beat-Man

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Le Reverend Beat-Man, né à Bern en 1967, est sûrement le résident le plus rock’n’roll de suisse. Fondateur du label Voodoo Rythm qu’il a créé en 1992, personnage multi-facettes, amateur de comics, il a écumé le monde avec Lightning Beat-Man, son One Man Band, puis avec ses compagnons les Monsters. Aujourd’hui, c’est avec la belle Sister Izobel Garcia, sa muse mexicaine qu’il prêche son Blues Trash, cette association ne l’aura pas totalement assagi. J’ai ainsi pu assister à leur prestation à la scène Michelet à Nantes, un vrai sacrement religieux de rock’n’roll primitif ! Avant de partir à nouveau en tournée, Monsieur le Révérend a eu la gentillesse de répondre à quelques questions depuis Bern.

Thee Savage Beat : Un jour, tu as eu une vision mystique et tu es devenu le Reverend Beat-man…

Reverend Beat-man : J’ai tourné en Europe sous le nom de Lightning Beat-Man pendant environ dix ans, c’était un one-man-band du genre conflit intérieur autodestructeur. Un combat de catch où je me bats contre moi-même, et où je gagne toujours à la fin (rires). Quoi qu’il en soit, c’est devenu un gros truc et de plus en plus fou, j’ai fait des shows pour MTV, entre autres. Mon but était de me détruire à chaque show et me faire le plus de mal possible. Je me suis rendu compte que je n’étais pas GG Allin ni Iggy Pop et j’ai merdé, j’ai perdu ma voix pendant un an, je me suis cassé tous les os de mon corps, et je suis tombé en dépression. Et un jour, j’ai vu une lumière et j’ai vu toute ma vie exposée devant mes yeux (je précise que je ne prends pas de drogues). Ce n’étaient pas des personnes ou des choses qui m’ont guidé, c’était plus ou moins un sentiment qui m’a montré le chemin. Ça me disait d’écouter mon cœur et mes sentiments et d’aller de l’avant, de prêcher le Blues Trash et ma musique au monde entier. C’était en 1999, et c’est ce que je fais depuis. Je prêche aux gens de basculer dans le Blues Trash, dans le rock and roll et dans la musique en général. C’est ça qui nous relie, pas les politiciens ni les organisations religieuses qui sont manipulées. Non. C’est nous, c’est notre musique qui le fait.

A qui s’adresse ton église, la « Blues Trash Church » ?

C’est une organisation mondiale pour les losers et les désaxés qui veulent voir la lumière sans se faire enculer ni sucer des bites. La langue, c’est le Blues trash, le rock’n’roll et la musique marginale en général, l’électro minimaliste, le punk, le jazz… L’adresse est dans ton cœur, en cherchant bien, tu la trouveras.

De quel révérend de fiction te sens-tu le plus proche ?

Je me sens proche de Jésus, pour moi c’est le vrai rebelle, le pur anarchiste, le pur pacifiste, et je m’en fous si c’est juste une histoire. C’est tout simplement incroyable, il s’est fait tuer pour rien, juste parce qu’il est ce qu’il est, contre les régimes corrompus et disons-le, contre le capitalisme. En tout cas cette histoire n’a pas pris une ride. Ça nous montre que les gens prient Jésus et n’y comprennent rien, alors que ça a été écrit…. Ce que je pense, c’est que les gens ne comprennent pas les mots, ils ont besoin de rock’n’roll.

C’est vrai ce que l’on dit, c’est après avoir vu Motörhead et Iron Maiden en concert à la télévision que tu as décidé de devenir musicien ? Quels étaient tes autres sources d’inspiration ?

Non, c’est juste que ces deux groupes m’ont guidé dans la bonne direction. J’ai grandi à la campagne, à Berne, en Suisse. J’écoutais Status Quo (avant la période In the army now) et bien sûr AC/DC. Et puis il y avait la discothèque de mes parents, remplie de disques des années 40 et 50 – Elvis, Bill Halley, the Teddy Bears, et plein d’autres. J’étais fan d’Elvis et j’ai vu son show TV Aloha from Hawaii Via Satellite. A la fin des années 70 – début des années 80, on avait la chance en Suisse de pouvoir écouter la BBC, et puis il y avait cette émission radio pour les jeunes qui passait les nouveautés anglaises, et c’est comme ça que j’ai découvert la musique underground et je suis devenu accro. J’ai vu un parallèle entre Elvis et Motörhead, et une suite logique entre Status Quo et Iron maiden. Mais c’était la même chose, c’était pour me sauver. Ensuite, aux débuts des années 80, le groupe Venom débarqua, ainsi que Einstürzende Neubauten et je suis tombé amoureux de Howling Wolf et de Lightning Hopkins. Voilà, en gros. J’étais perdu et sauvé dans le même temps.

Tu partages aujourd’hui la scène avec Sister Izobel Garcia. Quel est ton lien avec le Mexique ? Aimes-tu ce que fait El Vez, le Elvis mexicain ?

Ce qui est marrant, en fait, c’est que El Vez est de Los Angeles (rires). Bien sûr j’adore les Mexicains, j’ai eu la chance de jouer là-bas, c’était juste incroyable. Izobel est née au Mexique mais elle aussi a grandi à Los Angeles, et y vit. Elle est fantastique, tout comme ses parents, et ses amis. Je me sens en osmose avec les gens de là-bas, je n’emploie pas le mot “pays”, pour moi c’est synonyme de prison, où l’on parque les gens. Ma communauté et ma religion sont universelles et sans frontières, on est comme des gitans, une tribu libre du Blues Trash, notre langage c’est la musique.

Il y a eu le titre « I’m not gonna tell you » où tu ne déclarais pas ton amour. Y a t-il un lien avec le titre « I never told you », sur le dernier album ?

« I’m Not Gonna Tell You », ça veut dire : J’en ai marre des gens qui me regardent comme un freak, j’en ai marre de devoir plaire aux gens, de faire de la musique pour faire plaisir au public, pour être jouée à la radio, ou pour avoir un article dans un magazine. J’en ai marre de devoir être dans la norme, je veux juste être moi-même et être accepté comme je suis. C’est ça le message de cette chanson, je pense. Il y a beaucoup de chansons sur les filles, mais pas celle-là (rires). C’est Izobel qui a écrit « I never told you », ça parle d’une ancienne relation qu’elle a eue, c’est ça l’idée derrière (rires). On joue ce titre chaque fois qu’on est ensemble sur scène, c’est une chanson incroyable à jouer.

Frédéric Quennec avec Reverend Beat-man

Ton label « Voodoo Rhythm » est basé en Suisse. Y a-t-il une raison à cela ?

C’est sûrement pas pour le rock’n’roll, en Suisse c’est quasiment le degré zéro de la culture rock’n’roll, c’est pas comme aux USA, en France ou en Allemagne, où il y a une forte histoire musicale, et les gens respectent ça. En Suisse, on est à fond dans le Top 100, c’est tout pour le fric, à fond pour l’argent qui dort à la banque, les rues sont nickel… Enfin, qu’est-ce qu’on peut faire de mieux comme contre-modèle ? Ici, dans mon pays, je peux me rebeller contre quelque chose de réel, et pas seulement ce que j’ai entendu aux infos, et, autre bonne chose, je ne suis pas seul. On a une petite mais très forte scène underground, on s’entraide et on se respecte. Comme elle est petite, on doit se serrer les coudes, avec la techno underground, l’électro rock’n’roll, le punk, le jazz avant-gardiste, etc… Grâce à ça, c’est, à mon avis, le meilleur endroit sur cette planète. Et j’aime le chocolat, la fondue et le rösti.

Il y a plusieurs albums du groupe Destination Lonely sur Voodoo Ryhthm, connais-tu d’autres groupes français ?

Il y a plein de groupes français fantastiques, le premier que j’ai connu c’était Los Carayos dans les années 80, puis les Thugs, Noir Désir, Les Wampas, et bien d’autres. Le premier groupe que j’ai produit, Stompin’ Harvey & The Fast Wreckers, était de Grenoble, je crois, en tout cas près de la frontière suisse. J’ai pas mal bossé avec Dennis à l’époque. Il y a aussi eu la collaboration avec Destination Lonely grâce à Gildas, ma connexion toulousaine (rires). Sans oublier Cécilia et Yvan (ex No-Talent NDT) de Paris. J’y suis allé pas mal de fois, et je suis tombé amoureux de cette ville. Ces temps-ci, j’adore ce que fait Lalla Morte, je suis un grand fan !

Tu crées les pochettes de ton label toi-même, d’où t’est venue cette passion ?

Mes pochettes de disque ont été inspirées de KISS et de Uriah Heep. Quand j’ai vu ces pochettes alors que j’étais à l’école, j’ai été hypnotisé par les histoires qu’elles racontaient, rien qu’à les regarder j’avais tout un film qui se déroulait dans la tête. Mais j’étais toujours déçu en écoutant la musique, ça correspondait pas à la pochette (rires). Déjà à l’école, j’imaginais des pochettes pour des groupes imaginaires, et quand mes parents ou mes profs me demandaient ce que je voulais faire plus tard, je leur répondais « dessinateur de pochettes de disques” (rires) Ils disaient que c’était pas un boulot, alors je disais « dessinateur de comics », et mes parents répondaient que ça non plus c’était pas un vrai boulot. Il y a une école en Belgique mais c’est pas la porte à côté. Finalement j’ai fait une formation d’électricien (rires). Mais je suis toujours resté passionné par la conception de pochettes de disques, puis j’ai monté mon label où je crée la plupart des pochettes moi-même.

Tu as partagé la scène avec notamment the Monks, quel souvenir en as-tu ?

The Monks, c’est un des meilleurs groupes et concerts que j’ai vus dans ma vie. Avec The Monsters, on a fait une battle de groupes contre eux, et ils nous ont éclatés sur scène. Ils avaient près de 80 ans, à cet âge c’est incroyable, faut les voir en personne, d’incroyables personnes âgées qui savent ce qui est de l’art et ce qui est des conneries. Vieillir comme ça, ça devrait être un but pour tout être humain sur cette planète.

A quoi ressemble ta vie en tournée ?

Pendant plus de 15 ans, j’ai dormi dans les toilettes, sur des sols froids ou sur la scène. Une fois j’ai même dormi sur un autel (rires). Tous les jours j’ai mangé de la pizza froide ou bien des chips, ou rien du tout. Maintenant que j’ai plus de 50 ans, je peux plus faire ça et je ne veux plus. Un invité doit être bien traité, c’est ce que je fais quand j’en reçois un, je lui offre le gîte et le couvert, et je veux la même chose, c’est le minimum, je pense que c’est honnête. Si personne ne venait à mes concerts je me contenterais de dormir par terre, mais mes concerts sont toujours complets, donc je mérite d’être bien traité. Une strip-teaseuse dans la loge, ça serait peut-être un peu too much… quoique (rires).

Tu fais une tournée en ce moment, qu’as-tu envie de dire au public qui va venir te voir ?

L’an dernier j’ai tourné pendant sept mois. Là j’ai fait un break avant de recommencer, je fais pas mal de shows avec Izobel Garcia, on commence à Tel Aviv puis on fait toute l’Europe et la Russie. C’est super de tourner avec elle. La plupart du temps je suis un one-man-band mais si vous avez de la compagnie en tournée, c’est l’idéal, et sa compagnie est la meilleure qui soit. On s’amuse tellement, venez nous voir pour voir la lumière ! On est pas virtuels, on est pas un chat Facebook, on est vrais, en chair et en os ! C’est pas du fake, peut-être qu’on est nuls, peut-être qu’on est incroyables, et c’est très bien comme ça ! Chacun de nos shows est unique, et j’espère que vous apprécierez ce que vous verrez et entendrez.

Quels sont tes projets ?

En fait j’en sais rien, je suis un peu dans une bulle, je laisse les choses venir à moi et je décide ce que je dois faire. Je vis au jour le jour, je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. Je veux voir mon enfant grandir, je veux beaucoup de sexe et que la musique règne sur le monde !

Interview : Frédéric Quennec / Traduction : Nicolas Quennec

Paru initialement dans le Rock Hardi #55 (été 2019 – toujours disponible).

Liens Voodoo Rhythm / Reverend Beat Man:

Site de la Blues Trash Church : http://reverendbeatman.weebly.com/blues-trash-church.html

Site officiel : https://www.voodoorhythm.com/

Pages facebook : https://www.facebook.com/groups/26927843105/

https://www.facebook.com/reverendbeatmanofficial/

https://www.facebook.com/The-Monsters-official-123189661111110/

https://www.facebook.com/The-Monsters-143837132301574/

Publié par theesavagebeat

Ce blog propose des articles, principalement des interviews, sur des artistes ou groupes rock, punk rock et rock garage. Il est basé à Nantes (France). Le nom Thee Savage Beat est un hommage au groupe nantais Thee Death Troy ainsi qu’au titre des Dictators « The Savage Beat ». Ce blog est tenu par Frédéric Quennec et Nicolas Quennec.

2 commentaires sur « Interview : Reverend Beat-Man »

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