Interview de Mike Edison  («Sympathy for the drummer: why Charlie Watts matters»)

Mike Edison

On connaît l’amour du rock’n’roll du Mike Edison musicien qui officie aujourd’hui dans le combo Edison Rocket Train. Longtemps batteur des fabuleux Raunch Hands, collaborateur des rockeurs les plus énervés, de GG Allin à Handsome Dick Manitoba des Dictators, jusqu’à Kike Turmix (Pleasure Fuckers). Il est aussi un grand écrivain. Après « Dirty! Dirty! Dirty! », et « Bye Bye, Miss American Pie » entre autres, il s’attaque aujourd’hui au flegmatique batteur du plus grand groupe de rock and roll du monde à savoir Charlie Watts des Rolling Stones. Le guitariste du groupe, Keith Richards, l’a déclaré dans une interview, « pas de Charlie, »pas de Stones. ». Charlie Watts est bien un élément essentiel des Rolling Stones non seulement grace à ses qualités humaines, qui ont permis au groupe de perdurer, mais aussi pour son swing légendaire. On connaît de lui notamment son penchant pour le Jazz. Dans son livre « Sympathy for the drummer : why Charlie Watts matters », Mike Edison retrace avec humour et intelligence l’histoire du groupe et analyse avec brio le style des Stones et leurs influences majeures à savoir l’amour du blues, du jazz, du rhythm and blues, des pionniers du rock’n’roll. Ce livre passionnant sur les racines d’un style de musique redonne ses heures de gloire au musicien le plus souvent dans l’ombre d’un groupe. Tout batteur d’un groupe aura envie de se le procurer, plus généralement tout amoureux de la musique rock and roll, Le roll est important ! le fan des Stones lui, sera comblé. Interview du sympathique Mike Edison !

Thee Savage Beat: Pourquoi un livre sur Charlie Watts ?

Mike Edison: J’avais déjà écrit deux livres sur moi et Charlie était la personne la plus importante après moi (ha ha ha). Le sujet du livre ne se limite pas à Charlie Watts, il est aussi question de tout ce qui a permis de faire ce qu’il est: Le jazz, le rhytmn and blues, les Stones bien sûr, son amour du swing et du shuffle impossible (NDT: Le shuffle est une figure rythmique que l’on rencontre notamment dans le blues). Il voyait de la beauté là où des batteurs qui avaient plus de technique ne remarquaient rien. Il avait ce petit truc en plus qui leur manquait. Pas de Charlie, pas de Stones. Comme l’hydrogène est indispensable à l’eau, peu importe la quantité d’oxygène que vous avez. Les leçons qu’on peut tirer en écoutant Charlie Watts vont au-delà de sa personne. Il ne suffit pas d’être fan, il faut vivre avec. Être en immersion. Charlie, Keith et Mick, c’est la parfaite alchimie. Et pourtant tous les honneurs vont au chanteur et au guitariste…. Il faut donner un peu de crédit au batteur !

Comment définirais-tu le style de Charlie Watts en quelques mots ?

A la fois parfait et imparfait, autodidacte, donnant le la… Ce qui est génial c’est qu’il a évolué au fil des ans. Il était excellent à leurs débuts, mais un peu guindé. Ensuite il s’est ouvert: il y a une vraie différence entre Satisfaction, véritable morceau punk – soul et punk – et Jumpin Jack Flash, ou encore Gimme Shelter, Exile on Main Street, Sticky Fingers. Ce fut une énorme évolution. Il a mené les Stones vers la terre promise. Keith Richards ne pouvait pas y arriver sans lui. Et puis on arrive à l’album Some Girls, encore le théâtre d’une grande évolution. Ça pourrait faire l’objet d’un livre (ha ha ha)…

Comment les Stones sont-ils devenus ce groupe que tu décris et qui a modelé tous les styles de musique américaine dans sa musique?

Il arrive un moment où tu t’affranchis de tes influences, suffisamment pour créer ta propre production. Les Stones étaient meilleurs de jour en jour… Ils ont transcendé le gospel et la country pour créer quelque chose que l’on ne peut comprendre que si on a vécu la drogue, la folie, les années 60 et 70… Ils étaient devenus eux-même. Le pire, c’est quand Mick pense qu’il doit sonner comme le Mick que les gens attendent. Le meilleur, c’est quand ils ne sont pas influencés par leurs fans – ou leurs propres albums.

Quelle est la chanson des Stones la plus représentative du son des Stones pour toi ?

Je pourrais dire Tumblin Dice, mais aussi à l’évidence When the Whip Comes Down. Midnight Rambler est sans doute leur chef d’œuvre.

Quelles sont les meilleures paroles des Stones ?

Les meilleures sont sans doute celles qui sont quasi-inintelligibles, grossières, qu’on ne peut pas vraiment comprendre, et, quand vous les lisez, en fait vous voyez qu’elles sont géniales. Mick était brillant, et savait comment vendre sa création. Ils ont écrit beaucoup de choses géniales, et ils savaient que les voix étaient partie prenante du rythme. C’est une des choses qui les rendent si exceptionnels.

Un auteur français nommé François Begaudeau dans «Mick Jagger, un démocrate» constate la mort des Stones à la fin de l’innocence des années 60 avec la tragédie d’Altamont, quel est ton point de vue là-dessus?

Ils avaient une grande place dans la scène culturelle, ça c’est sûr. Ils ont parcouru pas mal de chemin, de Not Fade Away jusqu’à Street Fighting man. Altamont était une tragédie… Mais les gens ont oublié que Woodstock était un désastre capitaliste. Ça a produit de la super musique, mais le rêve était déjà en train de se dissiper. Un de mes amis m’a dit que les années 60 étaient finies quand Mick a chanté « I cant hardly feel the pain no more. » (NDT :“Je ne ressens plus la douleur”). C’était en 1972.

Pas d’Elvis, pas de Little Richard : pas de Stones ?

Sans Chuck Berry, Little Richard, Bo Diddley, Jimmy Reed… C’est pas sorti de nulle part. Tout comme le hip-hop ou le punk rock, on est tous des nains sur des épaules de géants. Les Stones ont joué avec Bo Diddley et Little Richard et étaient littéralement aux pieds de Howlin’Wolf. Ils se sont inspirés de tout ça, pour le façonner à leur propre image. L’histoire a de nombreux chapitres.

Peux-tu m’expliquer ce qu’est le rock, ce qu’est le roll en quelques mots?

Roll ça te donne envie de baiser, Rock tu vois bien..

Pour moi «Get yer ya ya’s out» est le plus représentatif des qualités de jeu de Charlie dans un album. Quelle est ton opinion sur ce sujet?

A cette époque-là, ils ont commencé à trouver leur propre groove, et on a commencé à les appeler “le plus grand groupe du monde”, mais un ou deux ans plus tard, ils étaient tellement meilleurs, c’était inimaginable. Charlie et Keith devenaient très forts, et ça devenait de plus en plus agressif dans les tournées suivantes.  Get Yer Ya Ya’s n’était que le début du nouveau départ.

Quelles sont les principales différences entre les Beatles et les Rolling Stones ?

Les Beatles étaient devenus un groupe “artistique” et ne donnaient plus de concert. Les Stones vivaient pour leur public. Pour être un grand groupe il faut jouer… Tu imagines un public assis écoutant A Day In The Life ? C’est pas rock and roll. Les Stones, c’était des esprits en ébullition devant des spectateurs. On pouvait voir ce qu’ils faisaient. Quand ils étaient au top, c’était comme une scène de crime. C’était dangereux.

Charlie t’as vraiment appelé au téléphone au sujet de ton livre ?

Oui ! Il a été adorable. Comme tu peux l’imaginer, j’étais fébrile. Je ne m’y attendais pas. Mon livre est arrivé dans l’entourage des Stones. Je me suis fait des amis, et ils m’ont dit qu’il était très flatté. C’était vraiment incroyablement gentil de sa part de m’appeler. Il était comme on peut l’imaginer, gentil, un vrai gentleman. Personne n’avait écrit un livre sur lui, pas un livre pour l’apprécier à sa juste valeur. Il m’a dit que ça lui plaisait que je parle du jazz et du Rythm and blues. C’est une vision globale, pas une biographie. Je n’ai pas occulté le sexe et la drogue, mais ce sont des domaines qui ont déjà été traités. Mon livre parle de musique, et je crois qu’il l’a compris. Il a dit que c’était formidable. Je suis pas prêt d’oublier ça, c’est dans le top 3 des coups de fil de ma vie !

Interview : Frédéric Quennec Traduction : Nicolas Quennec

Site officiel: http://mikeedison.com/

Publié par theesavagebeat

Ce blog propose des articles, principalement des interviews, sur des artistes ou groupes rock, punk rock et rock garage. Il est basé à Nantes (France). Le nom Thee Savage Beat est un hommage au groupe nantais Thee Death Troy ainsi qu’au titre des Dictators « The Savage Beat ». Ce blog est tenu par Frédéric Quennec et Nicolas Quennec.

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer